LC+FlickR : bilan d’une expérience 2.0

Vous vous souvenez, il y a quelques mois, la Library of Congress ouvrait un site sur Flickr pour permettre aux usagers de tagguer et commenter un fonds de 3000 photographies.

Quelques mois plus tard, l’équipe responsable du projet a (un peu discrètement) communiqué sur les résultats de l’expérience. On peut lire ce billet sur le blog Hanging Together de RLG, et sur Digitization 101 deux comptes-rendus de la conférence CIL 2008 : et .

Quelques idées intéressantes qu’on peut en retenir :
– le fait de positionner la contribution sur Flickr plutôt que sur le site de la bibliothèque permet de s’abstraire des questions déontologiques (inexactitudes, qualité des contributions…)
– ensuite, la LC a mis en place une démarche permettant de réinsérer dans leur propre catalogue les contributions les plus intéressantes : une activité chronophage…
– il ne faut pas non plus noyer les utilisateurs dans la masse : pour ne pas décourager les contributions, la LC n’ajoutait que 50 images par semaine, atteignant ainsi le taux de contribution optimal pour l’ensemble. Ceci dit à ce rythme là il faudrait 20 ans pour tout mettre sur Flickr…

Quelques chiffres : en 3 mois
– 100 notices du catalogue ont été enrichies à partir d’informations collectées sur Flickr (c’est pas beaucoup, non ?)
– la LC s’est fait 11000 « amis » dans Flickr
– 55000 tags ont été ajoutés (10 000 tags différents).

Visiblement, l’expérience a vraiment réussi à susciter une communauté, et pour cela le fait d’être sur Flickr n’a sans doute pas été indifférent (on pourrait se demander si il y aurait eu autant d' »amis » sur un site hébergé par la LC). La communauté a produit un résultat utile, certaines descriptions ou tags relevant de l’analyse voire de l’investigation, et d’autres de la description plus fine que ce qui était fourni par la LC au départ : dans les deux cas, à un niveau de détail qui n’aurait pas pu être atteint sans le recours à la communauté d’utilisateurs.

L’image et l’obole

Si comme moi vous vous intéressez aux images, j’ai trois visites indispensables à vous proposer.

Il y a peu, une très belle tribune a été publiée par André Gunthert sur le problème de l’image et de sa diffusion dans un monde où on re-patrimonialise (si vous permettez) des images libres de droits. Un texte, lorsqu’il tombe dans le domaine public, tout le monde se l’approprie, le copie, le réutilise. Alors que : "une image ne quitte le territoire du droit d’auteur que pour entrer dans celui du droit patrimonial : elle appartient toujours à une collection ou un ayant droit qui en octroie les reproductions selon son bon vouloir.". Un état de fait qui pourrait finir par avoir raison des études en histoire de l’art.
Je ne saurais trop vous recommander le fil RSS des Actualités de la recherche visuelle qui sont en général une mine et un plaisir de lecture.

Ailleurs, KA de la Boîte à images cherche un modèle économique pour son blog qui lui prend trop de temps. Contrairement à beaucoup, il n’a pas choisi les Google Ads, il a choisi l’obole : demander à chacun de ses (nombreux) lecteurs de lui verser un euro symbolique. La somme de toutes ces parties ne le sera pas, elle, symbolique, et lui permettra de continuer à proposer des articles de qualité.
Un euro pour 530 articles d’histoire de l’art et d’analyse de l’image, toutes périodes et tous styles confondus, qui dit mieux ? Je suis curieuse de voir si les internautes accepteront le marché, un marché bien équitable à mon avis.

Le troisième est Bibliodyssey, un blog qui quotidiennement ou presque nous noie sous des séries d’estampes toutes plus magnifiques les unes que les autres, glanées dans les multiples ressources du Web. Sans aucun doute un travail de fourmi que cette recherche des sources (qui sont toujours citées). Donc oui, il y a des Google ads, et on peut aussi verser une obole.
Il y a en aussi pour les amoureux du manuscrit comme dans ce billet, ou pour ceux qui aiment les images sombres et bizarres ici. Les archives de ce blog sont une mine de documentation sur l’image (voyez le nuage de tag en bas).

Voilà, je dédicace ce billet à Dominique V., une nouvelle lectrice ;-)

La Tentation

Ce sujet a été abordé à IPRES. Et si la numérisation (et la perspective de sa conservation sur le long terme) avait un effet pervers : les décideurs pourraient penser qu’il n’est plus utile de conserver les originaux, et en profiter pour les vendre au meilleur prix afin de réinvestir dans autre chose.

La tentation de St Antoine, par Callot

Cette tentation ne paraît pas si hallucinante, quand on voit qu’à Karlsruhe des gens sont prêts à revendre les manuscrits de la bibliothèque, sans même avoir songé à les numériser d’abord !

Je trouve totalement scandaleux qu’on puisse seulement avoir l’idée de vendre ce genre de patrimoine dans une bibliothèque, quelle qu’en soit la raison (enfin, encore si c’était pour sauver des gens ou résoudre définitivement le problème de la faim dans le monde). Et il m’est tout aussi odieux de penser qu’on puisse sacrifier sur l’autel de la numérisation des originaux qui n’ont fait de mal à personne.

Quand on commence un projet de numérisation, il est essentiel de défendre dès le départ le principe d’intégrité des originaux : une intégrité qui suppose qu’on ne les détruit pas, et qu’on ne les aliène pas non plus.

Dans un environnement patrimonial, la numérisation devrait également jouer son rôle conservation préventive : la communication des originaux n’étant dès lors accordée que si elle est vraiment nécessaire (je sens que là, certains de mes lecteurs vont commencer à me détester ;-). Mais cela suppose alors de mettre au point des outils de visualisation très performants, qui vont très au-delà d’une simple copie des fonctionnalités du livre.
C’est à ça qu’on différencie(ra ?) une véritable interface de consultation de bibliothèque numérique, faite pour la lecture (et, dans le cas des manuscrits, participant au plan de conservation d’une bibliothèque patrimoniale) d’une interface de butinage dont le but est manifestement d’inciter à se procurer une version "papier" de l’original.

Tiens on dirait que ce billet m’a entraînée plus loin que je ne voulais aller au départ…

Illustration : petit clin d’oeil à Belit Seri qui comme moi apprécie cette estampe de Callot.

Un peu de pub

Nous aimons par dessus tout, Got et moi, faire la route dans des coins de France inconnus et nous arrêter dans des petits villages pour y découvrir des beautés le plus souvent méconnues (sauf exceptions).

Pour repérer ces villages, nous avons pris l’habitude de nous fier à un label, celui des plus beaux villages de France. Nous n’avons jamais, ou presque, été déçus par ce label même si tous ces villages sont très différents y compris d’un point de vue émotionnel.

Alors, se fiant à son expertise d’utilisateur désormais avancé de FlickR, Got a créé un groupe pour rassembler les photos prises dans les villages qui portent ce label.

Vous qui avez visité Castelnou, Vézelay, Conques, St Guilhem le désert, ou bien Gerberoy, Roussillon, St Véran, Flavigny ou Riquewihr, ou encore un des 148 villages qui portent ce label, si vous avez un compte Flickr et des photos de ces coins, rejoignez notre groupe ! Soyez nombreux ! Mettez plein de jolies photos ! N’oubliez pas de taguer avec le nom du village !

Fin de l’intermède publicitaire.

PS: la photo ci-dessus a été prise à Fourcès dans le Gers, bien avant que me vienne l’idée d’avoir un compte Flickr ;-)

Ma table lumineuse

Pour sauvegarder des informations personnelles dans un espace numérique, on connaissait les paniers (« mettre dans le panier », un grand classique des sites qui veulent vous faire acheter quelque chose) et même parfois les caddies.

Evidemment, tout cela n’est pas très bibliothéconomique ; on a rarement vu les lecteurs parcourir les rayonnages armés d’un grand panier en osier ou d’un caddie de supermarché. Que pourrait-on inventer ? Le chariot à livres ? Le pupitre ?

A la bibliothèque numérique de l’INHA ils ont trouvé qu’il fallait que ce soit non seulement bibliothéconomique, mais encore histoire-de-l’art-esque, d’où probablement le choix du terme de "table lumineuse". Ca m’a interloquée, j’attends toujours de trouver le bouton où il y a la lumière.

Le choix du PDF pour le visualiseur, avec toutes ces fenêtres qui s’ouvrent pour un oui ou pour un non, est aussi assez décevant à mon avis – même si c’est un beau PDF avec une table de structure physique et des vignettes des pages.

A part ça il y a plein d’estampes numérisées et ça c’est chouette.

Agrégateur en panne

Depuis vendredi, il nous arrive un truc vachement bizarre et pour tout dire horrible : on n’a plus accès à Bloglines (ni à aucun service de Askjeeves) chez nous. Un problème de routage ou je sais pas quoi, enfin, un problème de Web qui est cassé.
Conséquence directe : je n’ai pas accès à mes fils et encore moins à mes « clippings », ces trucs qu’on peut mettre de côté dans mon agrégateur préféré. Donc pas de veille, donc pas de billet, et en particulier pas de confiture de liens.

Pour me faire pardonner, je poste une autre photo d’un truc que j’ai fait. Lequel est une pâle et imparfaite copie de ça qui est au Louvre. Au fait vous me direz je pourrais mettre un lien vers le Louvre mais qui a envie de mettre un lien pareil sur son blog. Vos identifiants pérennes, les gars !!!

En attendant je me suis rabattue sur litefeeds qui récupère automatiquement les souscriptions de Bloglines, mais c’est pas vraiment génial. Donc si quelqu’un a une idée d’agrégateur en ligne super bien avec import OPML et qui marche, merci de me passer le tuyau !!!

Confiture de belles images

Dans la série retrouvons le plaisir de surfer ailleurs que sur les blogs, voici quelques ressources intéressantes dans le domaine de l’histoire du livre, avec plein de jolies choses numérisées…

  • un site qui réunit des plans anciens de Paris numérisés, avec un bon outil de zoom pour les consulter
  • un site qui permet de trouver des cartes de Rome
  • un joli site plein de belles images sur l’histoire du livre et de l’édition à l’époque moderne : Textes rares
  • le site personnel de D. Varry où on trouve de nombreuses ressources en histoire du livre et en particulier en bibliographie matérielle.

Parmi ces dernières je vous recommande tout particulièrement la base de données catalane de marques d’imprimeurs, très pratique et où on trouve plein de jolies choses comme cette licorne de Kerver…

L’âme de fonds

J’ai entendu il y a peu l’assertion suivante : le mauvais chercheur est celui qui sait ce qu’il va trouver. Or, dans le domaine du numérique, il est de plus en plus difficile de chercher au hasard : si on traduit cela en termes bibliothéconomiques, on pourrait se demander s’il faut savoir ce qu’on cherche pour avoir une chance de le trouver.

Dans la vénérable institution où j’ai été formée, on m’a appris à ne jurer que par le dépouillement systématique, et que seuls les cancres rédigent leur bibliographie en interrogeant les catalogues de bibliothèque par sujet. Avec l’expérience, j’ai appris à nuancer largement cette façon de penser, mais je continue de croire que dans certains cas, le dépouillement est la seule approche possible, non seulement dans les archives, mais aussi dans les bibliothèques. Parfois, c’est "l’âme de fonds" qui prime, même s’il ne s’agit pas d’un fonds à proprement parler : la collection, la façon dont elle s’est constituée, et son organisation sont les meilleurs atouts pour trouver les documents.

Les collections de manuscrits, dans les bibliothèques, sont de bons exemples. Les catalogues de manuscrits de la BnF (dont on peut consulter une version numérique ici) présentent une organisation systématique qui reflète l’entrée des documents dans la collection et qui est compliquée à appréhender. Si je vous parle des manuscrits français n° 20065-22884, cela n’est pas très évocateur. Pourtant, le catalogue qui les décrit est essentiel pour l’histoire du livre, car ces volumes contiennent les privilèges de librairie de l’époque moderne. Pour savoir cela, seules trois méthodes sont possibles : soit dépouiller systématiquement les catalogues de manuscrits de la BnF (bon courage !), soit dépouiller les index et les tables de ces catalogues, soit glaner cette information chez un autre historien (tâche qui sera peut-être facilitée désormais grâce au Figoblog et à Google ;-).

Un autre exemple, encore plus parlant, est celui de la recherche d’images. Dans un ouvrage récemment publié par le Getty sous le titre Introduction to Art Image Access (librement accessible en ligne), on peut lire d’intéressantes idées sur la façon dont on créée et on utilise les accès sujet quand on catalogue des images. Suivant la définition de l’historien de l’art Panofsky (Essais d’iconologie : thèmes humanistes dans l’art de la Renaissance, Paris : Gallimard, 1967) il y a trois niveaux possibles de description, qui sont, du plus objectif au plus subjectif :

  • la description : par exemple, une femme avec un bébé dans les bras
  • l’identification : par exemple, une Vierge à l’Enfant
  • l’interprétation : par exemple… ben non justement.

On ne peut pas prévoir toutes les interprétations possibles d’une image, même en faisant un gros effort pour se mettre à la place du chercheur. Ces interprétations sont innombrables, et elles peuvent changer dans le temps.

Alors, comment faire pour que les bons chercheurs n’en viennent pas à se distinguer par leur capacité à imaginer un maximum de mots-clef différents, plutôt que par leur travail ?
Pour moi, la solution se décline en trois :

  • inventer des interfaces pratiques qui permettent de parcourir, de butiner l’ensemble de la collection, ou au moins des ensembles significatifs, de préférence sous forme numérisée, sinon sous forme de descriptions bibliographiques
  • indexer les notices en plein texte (donc s’affranchir de la syntaxe pour la présentation des descripteurs) et s’appuyer sur des thésaurus modélisés pour le Web sous forme d’ontologies avec des relations
  • et enfin, laisser l’interprétation aux chercheurs eux-mêmes en leur donnant la possibilité de rattacher leur propre analyse (subjective) de l’image à celle (objective) que fournit la bibliothèque.

Tout ceci nous permet également de contourner le problème de la masse, qui interdit le plus souvent un catalogage détaillé à la pièce. L’enjeu est de trouver un équilibre entre classification, indexation et participation… et de numériser, bien sûr.

Merci à Ten Thousand Years Blog.

Les aventures de Pierre Cruche sur le Web

L’autre jour, j’étais fort occupée à essayer d’orthographier correctement le nom d’un graveur : Pierre Eskrich, dit "Vase" ou "Cruche" (pas croyable un nom pareil quand même !). Un important graveur lyonnais du 16e siècle, qui a (aurait ?) illustré notamment ça (voir aussi tout plein d’autres resssources ), ça (encore que… pas sûr), ou encore ça.

C’est alors que j’ai découvert le Dictionnaire historique de la Suisse, dans lequel on peut apprendre plein de choses sur l’histoire de la Suisse, gratuitement et en ligne.

Je suis aussi tombée sur ce site : Typographie et civilisation dans lequel on trouve plein de textes sur l’histoire du livre et de la typographie, gratuitement et en ligne.

Et puis j’ai trouvé cette bibliographie très complète sur Bernard Salomon (un collègue de Cruche/Vase).

Je me suis donc promis d’arrêter de faire de la schizophrénie, et d’essayer de pratiquer un peu dans mes recherches ce que je défends habituellement avec tant de verve dans mon travail. J’espère que ça ne perturbera pas trop mes lecteurs bibliothéconomes ;-) allez ça fera un peu de changement.

En 3D

En lisant cet article dans Libé, j’ai découvert ce site qui propose des reconstitutions en 3D de lieux historiques.

Vous pouvez voir les photos d’une villa romaine, d’un cirque romain ou même de latrines romaines.

Dans un autre genre, vous pouvez aussi découvrir la bibliothèque de Montaigne, mais vu comme ça ce n’est pas très pratique pour feuilleter les bouquins. Quelqu’un n’aurait-il pas eu l’idée de pister les exemplaires de la bibliothèque, annotés par Montaigne, pour les numériser et les relier à tout ça ? Je dis ça, c’est juste une idée.

Photo :le système de chauffage au sol de la villa romaine de Seviac, dans le Gers.