Suite au déménagement du Figoblog, certaines personnes ont été émues par ma décision de ne pas assurer la continuité de service sur les URL des billets. En effet, comment peut-on consacrer tant d’énergie à défendre la cause des identifiants pérennes et se retrouver au final, tel le cordonnier, si mal chaussé ? Quelques explications s’imposent.
D’abord, un mot sur la cause technique. Comme je l’indiquais dans mon précédent billet, le Figoblog tourne maintenant sur une plateforme hébergée, à savoir WordPress.com. Si Got avait eu la main sur le serveur, il aurait pu mettre en place une réécriture d’URL : mes adresses en « /node/[identifiant-du-billet] » étaient en effet suffisamment simples pour que cela puisse fonctionner et l’identifiant a bien été récupéré dans les métadonnées du billet lors de la migration. Mais c’est ça, le problème du SAAS : on n’a pas toutes les fonctionnalités qu’on veut.
Ceci posé, comment aurais-je pu faire pour éviter ce drame, ce génocide, la mort de plus de 600 pauvres petites URL qui n’avaient fait de mal à personne ?
Pour commencer, j’aurais pu choisir une autre plateforme offrant cette fonctionnalité. Il aurait alors fallu que je fasse un critère de priorité de cette fonction, critère qui se serait trouvé prépondérant par rapport aux autres intérêts de WordPress.com (notoriété, gratuité, simplicité d’utilisation, etc.) bon, ce n’est pas le choix que j’ai fait ; il me semblait que les avantages de l’utilisation de cette plateforme, dont le fait qu’on a migré en 24h chrono, surpassaient les inconvénients.
J’aurais aussi pu choisir de laisser mon blog où il était et d’en commencer un nouveau. Après tout, c’est ce que font beaucoup de gens : voyez par exemple ARHV qui a déménagé pour l’Atelier des icônes avant de fermer boutique et passer sur Image sociale. Sur chacun de ses « anciens » blogs, un message indique qu’il est fermé et pour lire la suite, renvoie au nouveau. De fait, les vieux liens vers ARHV que j’ai pu créer dans mes anciens billets fonctionnent toujours.
C’est à dire qu’au lieu de tuer 600 URL, j’aurais pu accepter de laisser mourir mon blog tout seul… Mais tout entier.
Ah non. Ça, ce n’était pas possible. Vous voyez, je suis quelqu’un qui a besoin de changement. Souvent, je déplace tous les meubles de mon salon. Et quand j’en ai marre de déplacer les meubles et que je recherche un changement plus radical, je déménage. Mais je n’ai encore jamais déménagé en abandonnant tous mes meubles et mes cartons derrière moi.
En plus, pour être très franche, je n’ai pas l’intention de me remettre à bloguer beaucoup plus souvent ; alors quitter un blog pour en créer un nouveau qui resterait vide, cela n’avait pas tellement de sens.
Enfin, dans l’opération, j’aurais perdu la notoriété associée à mon nom de domaine : figoblog.org. Le fait que les gens le connaissent, ainsi que son référencement.
Donc quand Got m’a annoncé que les URL allaient être brisées, j’ai dit « tant pis ».
Comment puis-je encore me regarder dans une glace et dormir sur mes deux oreilles après avoir pris une décision pareille ? J’ai plusieurs choses à dire pour ma défense.
La première, c’est que ce n’est qu’un blog. Je n’ai jamais pris le moindre engagement institutionnel quant à la pérennité des URL de chaque billet. Le web change, bouge, chaque jour des URL naissent et meurent. Il y a des dizaines, des centaines de liens morts dans les vieux billets du Figoblog que j’ai emmenés avec moi dans ce déménagement. C’est la vie. Si on veut une image figée du web, il faut aller dans les archives (ou le dépôt légal).
La deuxième, c’est que d’un point de vue fonctionnel, j’estime qu’aujourd’hui on dispose de tous les outils nécessaires pour retrouver un billet, à commencer par le moteur de recherche intégré (là, à gauche). Et grâce à ma nouvelle plateforme, on tombe directement sur ce moteur quand on arrive sur un lien mort sur mon blog.
Last but not least, il me semble que l’usage principal d’un blog n’est pas (ou rarement) d’accéder aux vieux billets par des favoris. En général on les retrouve par son moteur de recherche préféré et de toute façon ce sont les nouveaux billets qui comptent (même si en me relisant j’ai trouvé quelques vieux trucs intéressants !) Quant aux twitts et autres posts Facebook qui sont mes principaux référents, ils sont encore plus éphémères…
Que peut-on retenir de cette aventure ? Et bien, que la pérennité a un coût. Maintenir des URL implique de trouver un équilibre entre le niveau de pérennité nécessaire et attendu des identifiants et les moyens dont on dispose pour les maintenir.
Sur mon ancien blog, le fait même de bloguer était devenu compliqué, laborieux, je ne pouvais plus voir le design en peinture, il y avait des bugs et du spam et plein d’autres inconvénients. Il fallait migrer. Got et moi n’avions que des moyens humains très réduits à consacrer à cette migration et nous avons dû faire des choix. Nous avions tout testé avec succès sur WordPress.com : l’import des anciens billets, les fonctionnalités front et back-office… Si je m’étais crispée sur cette histoire d’URL, tout était à refaire et la migration sans doute remise aux calendes grecques.
Pour résumer, la maintenance des URL était une fonction secondaire en termes d’usage, pour laquelle nous n’avions pas de politique stricte, et dont le coût était tel qu’il était susceptible de menacer l’activité elle-même (le blog). Dans ces cas-là, il faut savoir faire son deuil.