La semaine dernière, j’étais invitée par Stanford à participer, en tant qu’expert, à un atelier du projet LD4P (Linked Data For Production). Ce projet financé par la Mellon Foundation a pris la suite d’un précédent projet nommé LD4L (Linked data for Libraries) ; il s’agit cette fois d’une initiative conjointe de plusieurs grandes bibliothèques universitaires américaines (Stanford, Harvard, Cornell, Columbia, Princeton) et de la Library of Congress, qui vise à développer concrètement le catalogage « en linked data » pour reprendre leurs propres termes. L’objectif du meeting était de présenter les résultats du projet à ce jour et d’obtenir le retour de la communauté. Une bonne occasion pour moi de remettre à jour mes connaissances sur ce sujet et de mieux comprendre le positionnement des bibliothèques américaines dans la transition bibliographique aujourd’hui.
– ceux qui travaillent sur les outils.
Souvenez-vous, Bibframe c’est ce standard dont l’ambition est de remplacer les formats MARC. Développé et maintenu par la Library of Congress, il est actuellement dans sa version 2.0. – cette nouvelle version parue en avril 2016 est d’ailleurs l’un des livrables du projet.
Tout ceci débouche sur une prolifération de modèles plus ou moins divergents qui inquiètent les porteurs du projet, ceux-ci se demandant si on ne serait pas en train de constituer de nouveaux silos. Contrairement à ce que laissait espérer le web sémantique tel qu’on l’envisageait au départ, on en arrive à la conclusion qu’on est loin d’être débarrassés des problématiques de conversion, transformation et recopie de données.
Du côté des outils, ce n’est donc pas seulement la question du convertisseur MARC -> Bibframe ou de l’éditeur de données en RDF qui se pose, mais aussi celle de toute la galaxie des outils qui vont permettre de traiter, réconcilier, aligner, contrôler, enrichir, convertir, diffuser et exploiter ces données dans leur nouveau format qui se pose. Les partenaires du projet ont commencé à établir un registre des outils disponibles qui ont été évalués dans ce cadre.
Dans un premier temps, c’est le premier workflow qui a été exploré, grâce à une collaboration avec l’éditeur italien Casalini Libri. Stanford bénéficie d’un avantage par rapport aux bibliothèques qui disposent d’un catalogue intégré dont l’interface de consultation pour les usagers repose sur la même base que la production : leur système d’accès est distinct du système de production, il est basé sur le moteur de recherche SolR et le système Blacklight. Le projet « tracer bullet » consiste donc à récupérer les données de l’éditeur, les compléter notamment des liens aux autorités, les transformer de MARC à Bibframe et enfin les verser dans SolR pour l’accès. Il a ainsi été possible de démontrer qu’on pouvait « brancher » sur le système d’accès un nouveau système de production basé sur Bibframe, sans perte de qualité dans l’expérience utilisateur.
À l’heure où je suis pour ma part (avec mon complice des Petites Cases) plutôt dans une démarche consistant à replacer le web sémantique dans un horizon plus large des données de bibliothèques, cette place étant plus du côté de l’interopérabilité et du partage que de celui de la production, ce décalage m’a pour le moins étonnée. Est-il dû aux années d’expérience que nous avons acquise, en France, sur la gestion de données RDF en production ?
Par ailleurs, la déconnexion plus importante entre les notices bibliographiques et les données d’autorité qui en résulte conduit à une vision du catalogue comme un réservoir de notices figées appartenant au passé. Phil Schreur, de Stanford, compare ainsi les réservoirs de notice MARC à une dette que nous devrons payer un jour : il nous propose de ne pas aggraver cette dette en créant de nouvelles notices en MARC, mais de commencer dès que possible à produire dans le format de demain, la question du paiement de la dette (ou de la migration de l’existant) étant temporairement remise à plus tard.