Je me disais il y a peu que si on considère les différents systèmes de nommage unique et pérenne que l’on fréquente dans la vraie vie (lire : pas sur le Web), un des plus impressionnants est l’immatriculation des voitures.
Actif depuis plus de cinquante ans, ce système a bien des avantages : son extensibilité (passage de deux lettre à trois), sa citabilité (facile à retenir). Pourtant, ce système a vécu et on nous annonce qu’on va en changer. Petite analyse.
Dans l’ancien système, on combinait un élément signifiant (le département) avec un préfixe non signifiant composé de deux ou trois lettres, et une numérotation incrémentale à quatre chiffres. Il y a donc plusieurs autorités nommantes : les préfectures, ce qui a pour conséquence de lier l’identification à un lieu. Si la ressource (pardon, la voiture) change de propriétaire mais pas de lieu, elle garde son identifiant. Si elle change de lieu (même avec le même propriétaire) elle change d’identifiant.
Ces identifiants basés sur les lieux ou les adresses, ça vous rappelle rien ? Les URL par exemple… Qui n’est jamais tombé sur une erreur 404 (cette voiture a déménagé) ou pire, en suivant un lien qu’il avait duement enregistré dans ses favoris, sur un site porno (cette voiture a changé de propriétaire).
Dans le cas d’un changement d’identifiant, seules les métadonnées (les archives de la préfecture) permettent de tracer le changement et de retrouver la ressource-voiture.
Dans le nouveau système, le nommage est composé de trois séries de caractères non signifiants : deux lettres, trois chiffres, deux lettres. Le nommage est incrémental et centralisé : une seule autorité nommante, qui attribue les identifiants dans l’ordre, de AA 11 AA à ZZ 999 ZZ.
L’identifiant reste attaché à la ressource-voiture quel que soit l’emplacement-adresse de celle-ci : ce n’est plus une URL mais une URI.
Le nouveau système vise à la fois à simplifier les démarches administratives des automobilistes (plus de changements de plaques en cas de session des véhicules), à alléger la gestion du système pour l’administration et à lutter contre la délinquance automobile en améliorant l’efficacité des contrôles grâce à une «meilleure traçabilité»
A voir. On passe d’un système semi hiérarchique réparti à un système hypercentralisé et hypercontrôlé (quoi, ça vous surprend ? Qui a eu cette idée d’abord ?). Un seul système, ça veut dire aussi que si le système tombe, on n’a plus rien. Complètement non signifiant, ça veut dire moins citable (Police ! Arrêtez cette voiture !) encore que le limiter à 7 caractères est de ce point de vue une bonne initiative. Par contre quand on sera au bout de cette attribution dans l’ordre, que fera-t-on (si les voitures n’ont pas encore eu définitivement raison de la planète d’ici là) ? Dernière question, comment se fera la transition d’un système à l’autre et la récupération des anciens identifiants ?
Enfin on est bien dans un système centralisé à la française, si on considère que chez nos amis anglais on peut faire immatriculer sa voiture à ses initales si on a envie (le libéralisme, toujours lui). Mais à ma connaissance, à part ça, nous serions le premier pays européen à abandonner le nommage basé sur des lieux ? Non ?
Quand même, un avantage : on ne se fera plus traiter de sales parigots quand on ira en vacances à Marseille !
Ce billet est spécialement dédicacé à Thierry Stoehr …