IIPC GA 2015, jour 2 : WARC, WAT, WET et WANE

Si vous venez à la BnF consulter les archives du Web ou que vous utilisez en ligne la Wayback Machine d’Internet Archive, vous pourrez parcourir le Web du passé en le « rejouant » sous la forme de pages qui ressemblent, parfois beaucoup, parfois vaguement à ce qu’elles étaient à l’époque où elles faisaient partie du « Web vivant » comme on l’appelle ici. Vous pouvez, par exemple, regarder à quoi ressemblait le Figoblog en 2005 : sympa pour les nostalgiques ! Cependant, il arrive parfois qu’il manque des bouts (par exemple à cette période la feuille de style CSS n’a manifestement pas été récupérée) ou que le site n’ait simplement pas été aspiré (ou « crawlé » pour employer le terme consacré) à une date précise. Par ailleurs, l’accès aux archives Web mobilise de plus en plus des usages qui n’impliquent pas d’accéder aux pages elles-mêmes en les rejouant, mais aux données qu’elles contiennent, voire aux données contextuelles que sont les informations de formats, de dates, de modalité de collecte, etc.

Le 2e jour de la conférence ouverte d’IIPC, consacré à des ateliers, est entré davantage dans la technique quant aux modalités d’exploitation de ces archives. Il a été notamment question de formats et de protocoles qui permettent différentes modalités d’accès.

La journée s’est ouverte sur une présentation par Herbert Van de Sompel du projet Memento. Memento fournit un protocole pour accéder à distance à différentes archives Web et donc retrouver, à partir d’une URL et d’une date, la version la plus pertinente dans différentes archives disponibles. On crée ainsi de l’interopérabilité entre archives Web, avec pour perspective d’étendre à l’avenir le projet aux « dark archives », c’est à dire les archives qui ne sont  pas librement accessibles en ligne mais dont les métadonnées pourraient être signalées.

Ce principe est illustré dans le service Time travel qui s’est également doté récemment d’un mécanisme de reconstruction permettant de récupérer dans différentes archives les « bouts » qui constituent une même page Web afin de la reconstituer au plus proche. Par exemple, si une archive a préservé le contenu d’une page et une autre sa CSS, on arrivera à afficher la page correctement mise en forme.

Memento a aussi développé Robustlinks, un outil permettant notamment aux auteurs d’articles d’associer leurs publications à une archive et à des métadonnées en Schema.org de façon à assurer qu’elles restent accessibles à travers le temps. Le projet Hiberlink étudie l’impact de tels mécanismes sur les publications scientifiques.

Je ne passerai pas en revue une à une les autres interventions de cette journée, je vais plutôt les synthétiser en évoquant les différents formats qui permettent d’archiver le Web et d’exploiter ces archives de différentes manières.

Le premier de ces formats, c’est WARC : un conteneur qui permet de stocker les fichiers archivés avec un certain nombre de métadonnées, dont les informations liées à la collecte (date, etc.). Ce format normalisé à l’ISO va être révisé cette année.  Le problème avec WARC, c’est que c’est un format assez lourd à stocker et manipuler. Un certain nombre de développements ont été imaginés pour l’alléger, notamment un mécanisme de dédoublonnage qui évite de stocker plusieurs fois le même fichier s’il n’a pas changé depuis le dernier crawl.

On a besoin des WARC si on veut accéder au contenu. Mais si on s’intéresse aux données (ou aux métadonnées) on peut faire appel à des formats plus légers qui ont été développés à cette fin.

Les WAT contiennent les métadonnées de chaque fichier, les informations concernant la collecte et d’autres éléments comme la liste des liens présents dans les pages HTML. Ces informations sont stockées en JSON ce qui permet de les exploiter facilement pour faire toutes sortes de statistiques. On a en général 1 fichier WAT pour 1 fichier WARC et chaque fichier WAT représente environ 15 à 20% de la taille du WARC auquel il correspond. Il existe également une variante nommée WET qui contient tous les éléments textuels d’un WARC.

Les LGA (Longitudinal Graph Analysis) contiennent la cartographie complète des liens à l’intérieur d’une archive Web. Ils permettent de générer des visualisations de données. Le fichier LGA ne représente qu’1% du poids de toute la collection de WARC qu’il cartographie.

Enfin une mention spéciale pour les WANE : il s’agit de stocker les entités nommées contenues dans les pages web, sur le même principe que les WAT (1 fichier WANE pour 1 fichier WARC). Le fichier WANE représente moins d’1% de son WARC.

Si vous lisez ce billet et que vous ne savez pas ce que sont les entités nommées, je vous conseille de vous arrêter un instant et de plonger dans cette notion. Il devient en effet de plus en plus fréquent d’entendre parler d’entités nommées au détour de réunions où de conférences, y compris en présence d’acteurs pas du tout techniques, ce qui laisse à penser que cette notion est aujourd’hui considérée comme acquise pour des bibliothécaires. Pourtant, lors de mon dernier cours donné à des documentalistes en master 2, j’ai pu constater que la plupart d’entre eux ne savaient pas ce que c’était, voire n’en avaient jamais entendu parler.

Ce terme désigne dans un texte les entités qu’on est capable d’identifier, de qualifier en vue de les relier à d’autres informations : des personnes, des lieux, des organisations, des dates ou périodes, des événements, des concepts, etc. Si on reprend les archives du Web, imaginons qu’on a collecté la page d’accueil du site du Monde le 4 novembre 2008, on pourra sans doute identifier la personne « Barack Obama » et le lieu « États-Unis ».

La plupart des initiatives visant à reconnaître les entités nommées qui ont été présentées dans les différentes conférences de l’assemblée IIPC s’appuyaient sur le logiciel de reconnaissance d’entités nommées de Stanford: Stanford NER. Le principe de ce type de logiciel de reconnaissance d’entités nommées est de définir des règles qui permettent, pour une langue donnée, de les reconnaître (par exemple, si une séquence commence par « Monsieur » on peut supposer que ce qui suit est un nom de personne). Ces règles sont affinées ou enrichies par des mécanismes d’apprentissage (machine learning) : on « apprend » à la machine à reconnaître les entités nommées en le faisant manuellement sur un corpus de référence et ensuite, elle se débrouillera toute seule sur des documents similaires.

Lors d’une présentation qui a eu lieu un peu plus tard (jour 4, désolée d’anticiper) mes collègues de la BnF ont présentées les recherches actuellement réalisées par une ingénieure du labex « les passés dans le présent », qui utilise les WAT pour analyser les relations entre les sites Internet qui traitent de la Grande Guerre.

L’intervention de l’historien canadien Ian Milligan fourmillait d’autres exemples d’application de ces différentes techniques pour le champ de la recherche en histoire depuis les années 1990. Pour Ian, il est impossible de faire de l’histoire récente sans utiliser les archives du Web : on passerait à côté de son sujet en évacuant cette source primordiale. Il va jusqu’à proclamer que les archives du Web vont profondément transformer le travail des historiens et l’histoire sociale.

Seul problème : les compétences. En effet, peu nombreux sont les historiens capables de manipuler ce genre d’outils. Si toutefois vous voulez vous lancer, le tutoriel est par ici ;-)

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2 réactions sur “IIPC GA 2015, jour 2 : WARC, WAT, WET et WANE

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