Ma folle semaine embarquée dans la recherche

Je ne sais pas trop ce qui s’est passé avec mon agenda, j’ai dû avoir un bug dans la gestion des invitations, mais par un curieux hasard, faisant suite à ma présentation à Berlin en août, je me suis retrouvée à vivre une semaine presque entière immergée dans la problématique de la relation entre bibliothèques et chercheurs, abordée sous  différents angles. J’ai donc en gros raconté cinq fois la même chose en huit jours, ce dont je m’excuse auprès des collègues qui auraient assisté à plusieurs sessions, mais je crois que vous n’êtes pas très nombreux grâce au miracle de la géographie et à celui des silos institutionnels.

Tout a commencé vendredi 13 octobre à Francfort où, à l’occasion de la Foire du livre qui avait la France pour invité d’honneur, le CRL a organisé un symposium sur le thème « New Directions for Libraries, Scholars, and Partnerships: an International Symposium« . Rassemblant des bibliothécaires, surtout américains mais aussi originaires du monde entier, spécialisés dans les études de l’aire géographique romane, le symposium s’intéressait à l’évolution des services que les bibliothèques offrent aux chercheurs. Le terme de service, ici, n’est pas anodin : on évolue vers une logique moins centrée sur les collections et plus tournée vers les divers besoins que les chercheurs expriment : outils, méthodes, accompagnement, expertise, mais aussi numérisation et constitution de corpus numériques, négociation de licences d’accès à des ressources numériques, plans de gestion de données, etc. Le programme faisait une large place à divers exemples de projets mobilisant des technologies numériques et la session de posters était aussi remarquablement riche dans ce domaine.

Sautant dans un train tardif, je suis vite rentrée à Paris pour participer le samedi à la journée d’étude organisée par l’ADEMEC à l’Ecole des chartes, sur le thème « Humanités numériques et données patrimoniales : publics, réseaux, pratiques ». Je ne peux que souligner l’extraordinaire qualité de cette journée qui a été abondamment twittée et dont vous retrouverez le Storify ici et les captations vidéos là. J’en retiendrai tout particulièrement l’intervention conclusive de Paul Bertrand, qui a invité les institutions patrimoniales à inventer une critique externe de la donnée, permettant de la contextualiser et de la qualifier afin qu’elle devienne un objet d’étude et d’analyse maîtrisable et maîtrisé.

Retour à la maison le lundi pour un atelier ouvert que nous organisions avec des collègues du projet Corpus (special thanks to Jean-Philippe et Eleonora) et avec les chercheurs de l’équipe Giranium du CELSA, qui est notre équipe « compagnon » sur le projet cette année. L’atelier avait pour thème « Décrire, transcrire et diffuser un corpus documentaire hétérogène : méthode, formats, outils » et a permis à des équipes de chercheurs issues de différentes disciplines et travaillant sur des périodes  chronologiques parfois lointaines d’échanger sur leurs méthodes de travail communes dans le monde numérique. Nous vous préparons un petit billet de blog pour synthétiser tout cela, à suivre sur le carnet de recherche de la BnF [edit : c’est en ligne !].

Hop hop, je saute à nouveau dans le train pour me rendre à Lille, où se déroule la journée d’études de l’ADBU : « Les bibliothécaires, acteurs de la recherche« . On retrouve nos collègues allemands et hollandais avec leur préoccupation de développer, dans les bibliothèques universitaires, des « services support aux chercheurs » qui vont de l’accompagnement dans l’étape de l’appel à projets jusqu’à la préservation des données de la recherche. Et en France, beaucoup de choses aussi : des bibliothèques qui publient des revues en open access, qui accompagnent les chercheurs dans la constitution des corpus et la qualification des données, qui animent des communautés ou encore produisent des études bibliométriques.

Pendant ce temps, à Paris, le colloque « Humanités numériques et Sciences du texte« , organisé par le DIM Sciences du texte et connaissances nouvelles, avait déjà commencé. Forcément, je n’y étais pas, je n’ai pas encore le don d’ubiquité, mais je les ai rejoints le vendredi pour la dernière journée. En regardant le programme, on perçoit le message que les organisateurs ont tenté de faire passer : l’idée des humanités numériques comme une communauté de pratiques transdiciplinaire, s’exprimant à travers une grande diversité de méthodes et de problématiques. J’ai été entre autres ravie d’entendre Dominique Cardon expliquer en live les théories que j’avais lues avec beaucoup d’intérêt dans son ouvrage À quoi rêvent les algorithmes. Il faudrait que je revienne dessus dans un autre billet parce que là, ce serait un peu long.

Au final, qu’est-ce que je retire à chaud de cette folle semaine ? D’abord, l’évidente actualité de la question des humanités numériques à la fois dans la profession et chez les chercheurs qui sont nos partenaires naturels. Je ne suis pas très fan de ce terme mais j’avoue que pour moi, quelque chose de cohérent commence enfin à se dessiner. Vue de ma fenêtre à la BnF, cette chose peut se résumer de la manière suivante : le concept du « data librarian » tel qu’on l’annonce depuis plusieurs années dans la profession commence à être identifié par les chercheurs comme une ressource. Il y a encore du travail mais petit à petit, notre image change et on est de plus en plus perçus dans notre rôle de « passeurs » autour des collections numériques, parce qu’on connaît leur contenu, leur format, les outils qui permettent de les exploiter, les métadonnées qui permettent de les contextualiser et le retour d’expérience des autres chercheurs avec lesquels on a déjà travaillé. Comment s’empare-t-on de ce rôle de passeurs ? Il y a plusieurs formes : accompagnement, partenariat, service, plateforme, laboratoire… les modalités sont encore à inventer, ce qui nous promet quelques années passionnantes pour le futur.

Disclaimer : il semblerait que quelqu’un qui me connaît bien ait profité de l’un de ces événements pour enrichir ma biographie d’un élément non validé. Alors pour ceux qui se posent la question, non je ne me lance pas dans la rédaction d’une thèse ! Par contre, on m’a parlé récemment d’un dispositif de doctorat sur travaux qui m’intéresse bien et pourrait déboucher sur quelque chose. À suivre…

3 réactions sur “Ma folle semaine embarquée dans la recherche

  1. Quelle semaine – merci pour ce survol des activités et pour les conclusions. Je vois que j’aurais dû mieux organiser ma semaine à Paris…

  2. Pingback: What is a lab ? | Figoblog

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.