On pourrait penser qu’au bout de 7 ans de conférences ISWC, la communauté qui se retrouve ici n’aurait plus besoin de se justifier quant à l’utilité et l’importance de ses travaux. Ce n’est pas tout à fait le cas, d’ailleurs le dernier keynote speaker, Stefan Decker du DERI, a organisé sa conférence autour de l’idée que pour sauver le SemWeb, on avait avant tout besoin d’un message attractif et unifié (« appealing unified message »), aucun de ceux qui ont été proposés jusqu’à maintenant dans la communauté n’ayant le pouvoir nécessaire pour… lever des fonds.
De fait, j’ai trouvé intéressant le discours (un peu éparpillé dans la conférence) visant à replacer l’initiative du SemWeb dans le contexte plus large du Web, afin de voir comment il peut être utile aux « vrais gens ».
Le premier keynote speaker, Ramesh Jain (University of California, Irvine), a rappelé que l’objectif des technologies du SemWeb est de combler le « semantic gap » : c’est-à-dire le fossé qui existe entre les documents tels qu’on sait les représenter sur le Web (des trains de bits, des caractères alphanumériques, des fichiers, des listes, des images, des vidéos etc.) et les besoins qu’ont les utilisateurs de manipuler des concepts abstraits reposant sur des objets ou des événements.
Le fossé sémantique se situe entre les deux, mais la question reste ouverte : les technologies qui sont développées dans le cadre du SemWeb permettent-elles de combler le fossé, ou ne font-elles qu’améliorer la qualité technologique existante de chaque côté…
La réponse à cette question semble résider assez largement dans l’observation des tendances du Web, et ce qu’elles nous enseignent sur les moyens technologiques qui existent ou que nous devons développer pour améliorer l’expérience utilisateur.
Sur ce sujet, j’ai beaucoup apprécié la présentation du projet Theseus par SAP research (pour ceux qui n’auraient pas suivi, Theseus est la branche allemande qui s’est détachée de Quaero).
L’objectif est limpide : il faut simplifier la technologie pour l’apporter aux gens.
Nous nous situons dans un contexte où la notion de services est devenue clef. Nous sommes passés d’un système où les processus répondant à des besoins spécifiques étaient codés « en dur » dans les applications, à un système reposant sur de multiples services combinés entre eux pour constituer une chaîne de valeurs (« value chain »). Il s’agit d’une tendance lourde du Web d’aujourd’hui qui oblige les entreprises à être plus « agiles » : on n’achète plus une machine ou un logiciel, on achète le service que rend la machine ou le logiciel. Si la machine a un problème, quelqu’un vient la réparer. C’est le règne du SAS (Software as a service).
Dans ce contexte, que nous enseigne l’observation des entreprises qui ont véritablement réussi sur le Web ? L’intervenant a pris l’exemple d’Amazon et de iTunes pour montrer que le secret de leur réussite c’est le fait de couvrir toute la chaîne de valeur, de la création des contenus jusqu’à leur utilisation finale, tout en intégrant un écosystème de partenaires dans leur plateforme via des services à valeur ajoutée.
L’objectif de Theseus est de créer justement une plateforme de services à valeur ajoutée qui puisse être réutilisée dans la chaîne de valeur de différents acteurs, y compris des petits entrepreneurs du Web, avec un faible ticket d’entrée technologique.
Globalement, le discours était vraiment très séduisant. On ne voit juste pas trop comment le SemWeb s’intègre dans cette vision ;-) si ce n’est par la conclusion : « semantics are a key enabler ».
Essayons d’aller plus loin…
Finalement, ainsi que l’a décrit Mark Greaves de Vulcan Inc. dans sa présentation sur les « semantic wikis », ce qu’apporte le SemWeb au monde de l’information aujourd’hui se divise en deux branches : une branche « entreprise » (au sens large du terme, c’est-à-dire que cela consiste à utiliser les technologies du Web sémantique dans un contexte métier, très contrôlé et structuré), et une branche qui consiste à essayer d’améliorer l’expérience utilisateur sur le Web, la question étant de savoir où et comment ces deux branches se rencontrent. En fait, le profit qu’elles apportent l’une à l’autre va dans les deux sens :
– de la 1e branche vers la 2e, on a besoin de données « expertes » créées dans un contexte métier pour alimenter le « Web of data » ;
– de la 2e branche vers la 1e, on a besoin d’outils qui fluidifient les processus de création des données structurées.
A suivre…