C’est du joli !

On peut se demander si la visualisation ou cartographie d’informations est un gadget, ou si elle représente (ou, au moins, annonce) un changement de paradigme dans l’accès à l’information. Je ne pense pas que nous ayons encore de réponse à cette question aujourd’hui, mais il est un fait certain, c’est qu’elle n’est plus accueillie par des « pfff », mais par des « ôôôh ». C’est-à-dire qu’elle a désormais des moyens de convaincre, y compris des décideurs, qu’elle apporte quelque chose dans leur interface (ne serait-ce que parce que « ça en jette »).

Après, d’un point de vue fonctionnel (dépassons le concept "c’est joli" et posons-nous la question "est-ce utile ?"), le jour où on se retrouve avec un impératif du type "mettez-moi un peu de visualisation là-dedans", de nouvelles questions se posent telles que : où, et comment ?
Je vous propose d’aborder la question en trois temps.

Le premier temps c’est celui de la cartographie pure et dure. On va représenter notre collection sous forme d’une image, une carte, de façon à en donner une vue d’ensemble avec un accès supposé plus intuitif aux documents.
L’intérêt du procédé est que la cartographie peut être considérée comme un ensemble de conventions pour représenter de l’information, et on va utiliser ces conventions (formes, couleurs, etc.) et éventuellement les détourner pour donner une image graphique de la collection. Ainsi dans cette carte de la collection d’Amazon les couleurs font référence à des thèmes et les tailles des "continents" au nombre de documents disponibles (ce n’est écrit nulle part mais c’est assez intuitif). Ensuite on utilise un système de zoom (correspondant, dans les conventions cartographiques, à un changement d’échelle) pour "entrer" dans la collection, de plus en plus profondément, jusqu’à accéder aux pages de titres des ouvrages.
Personnellement, mon avis sur ce type de procédés cartographiques c’est qu’ils sont assez frustrants pour l’utilisateur. Bien sûr, "c’est joli" et l’utilisation des conventions de formes et de couleurs est un vrai plus au sens où cela permet de visualiser efficacement les points forts et les points faibles de la collection.
Mais l’intérêt s’arrête là. L’accès à l’information est très hiérarchique, en entonnoir. Il ne permet pas vraiment à l’utilisateur d’exploiter cette information nouvelle qu’on lui donne, pour cela il faudrait lui donner la main sur les paramètres de création de la carte et tout de suite on plonge dans des choses beaucoup plus complexes et réservées à des experts, c’est un peu ennuyeux pour une bibliothèque.
Une autre dimension consiste à utiliser l’information géographique disponible pour disposer les documents sur une vraie carte. Ici, chapeau bas et même très bas au nouveau service de flickr qui permet aux utilisateurs de géotagger hyper facilement leurs photos pour constituer des cartes d’accès vraiment impressionnantes. En plus, ils savent utiliser le pouvoir des internautes 2.0 puisque plus d’un millions de photos ont été géotaggées en moins de 24h (selon Internet Actu) !
Là il y a une vraie valeur ajoutée et cela vaudrait le coup d’étudier la mise en relation de notre indexation géographique textuelle avec des référentiels d’information géographique pour faire des liens de manière automatisée (on a du pain sur la planche).

Le deuxième temps, c’est celui des résultats de recherche. On utilise toujours des conventions de représentation graphique, mais au lieu de les appliquer à l’ensemble de la collection pour créer un nouvel accès hiérarchique ou arborescent, on les applique à une requête posée par l’utilisateur afin de lui présenter les résultats de façon plus sympathique qu’une simple liste.
Aussi loin que je me souvienne de mes cours de recherche documentaire, Kartoo a toujours existé ; aujourd’hui on trouve d’autres outils comme Grokker dont j’avais déjà parlé et qui récemment a été adopté par l’éditeur Ebsco ("visual search" étant une nouvelle option de recherche, mise au même niveau que "basic search" et "advanced search").
Comme tout est basé sur la requête de l’utilisateur, cela pallie en partie au problème que je soulevais plus haut avec les cartes. Davantage de manipulation et de souplesse : on peut dire qu’un outil comme grokker a de grandes chances de rendre l’expérience de recherche documentaire plus riche, ou au moins plus attrayante. La faiblesse du système c’est peut-être le côté parfois abscons des regroupements qui sont proposés par le moteur pour créer la carte. On navigue un peu au hasard dans ces paquets et il est difficile de dire au final ce qu’on y a vraiment gagné (à part de s’être bien amusé). Cela serait peut-être différent avec des données très structurées comme peuvent l’être les notices des catalogues.

Le troisième temps, à mon sens le plus intéressant, consiste à s’intéresser au document lui-même et à son "environnement", ou son contexte si vous préférez. Dans une collection de bibliothèque, un document n’est jamais seul : on peut toujours trouver, en utilisant les métadonnés (indexation sujet, cotes, autorités etc.) des liens ou des "rebonds" vers d’autres ouvrages probablement pertinents.
Et si on représentait ces rebonds sous forme graphique ? C’est ce que fait Omnigator pour les opéras. On peut rebondir, d’ouvrage en ouvrage, sans fin, sur les métadonnées modélisées sous forme de Topic Maps (autres exemples d’application chez Got).
On pourrait même imaginer d’aller plus loin et d’y ajouter des données de "sociabilité" : pouvoir afficher d’un seul coup d’oeil, non seulement les relations d’un document avec son environnement documentaire, mais aussi des informations sur qui l’a consulté, commenté, taggé, etc. et les autres documents choisis par ces personnes.
Là, je pense qu’on touche quelque chose de nouveau.

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2 réactions sur “C’est du joli !

  1. A l’instar de Kartoo, il existe un site qui propose de visualiser sous forme de carte les relations d’un chanteur/groupe de musique, un réalisateur, un film ou un acteur avec d’autres artistes ou oeuvres.
    C’est liveplasma:
    http://www.liveplasma.com/

    Je trouve plutôt concluant les quelques tests que j’ai fait.

  2. Oui, c’est vrai que j’ai omis de parler des sites de suggestion ou recommandation, qui utilisent les interfaces graphiques pour donner des idées d’artistes ou d’oeuvres en relation avec ceux qu’on aime bien. Je trouve cela assez concluant moi aussi.

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