Suite à une journée d’études qui a eu lieu à Paris 8 (laboratoire Paragraphe) sur l’organisation des connaissances, nous avons la chance de trouver deux comptes-rendus de blogueuses qui manifestement étaient sur place :
- sur le nouveau et prometteur Tribune libre
- sur Arkandis, récent aussi et plutôt orienté knowledge management.
Sur ce deuxième, je lis :
Avec la numérisation, le document s’est liquéfié. Le document était cristallin, parfait, organisé, il avait une identité qui ne pouvait pas être remise en cause. Avec la numérisation, le texte sort de sa linéarité et donc de sa géométrie au profit d’une recomposition lié au regard de son utilisateur. La métaphore de l’information liquide semble parfaitement en cohérence avec le vocabulaire utilisé pour en parler: « baigner dans l’information, se noyer dans l’information, un océan d’informations, surfer ». On pourrait donc parler de déglaciation du document par la numérisation.
Evidemment, le sujet me touche, même s’il s’agit d’un compte-rendu dont je ne connais pas l’exactitude par rapport aux mots de l’intervenant, Michel Authier.
L’utilisation du mot "numérisation" me semble ici recouvrir une réalité plus large que celle que j’ai l’habitude de mettre sous ce terme, il s’agirait plutôt d’un "passage au numérique" plus global. L’idée de la liquéfaction fait assez résonnance avec ma déconstruction, même si l’une est liquide et l’autre franchement solide.
Par ailleurs, les réflexions que m’inspirent cet extrait tournent autour de la relation entre le document et le lecteur, qui devient ici auteur ou "recompositeur" d’une information liquéfiée. Dans la numérisation bibliothéconomique, on cherche à recoller les morceaux, à empêcher la liquéfaction du document, à coller à l’original bien solide, à s’assurer que le lecteur n’aura rien à "recomposer" par lui-même sauf si tel est son choix – tout autant qu’un lecteur-papier peut recomposer ses notes et ses photocopies pour son analyse (au sujet de la numérisation, lire aussi la bonne analyse de Persée sur Homo Numericus). La numérisation (toujours au sens bibliothéconomique du terme) ne serait donc ni vraiment liquide, ni tout à fait solide, une sorte de bourbier en somme ?
Plus sérieusement, il y a aussi cette réflexion que je me faisais cet après-midi : la numérisation permet d’atteindre une forme d’idéal de la structure du document et de la collection qui serait impossible à atteindre avec les supports traditionnels. On n’a plus des livres de différentes couleurs, textures, formes. Fini le casse-tête de ne pas pouvoir classer le petit in-18 à côté du grand in-folio qui traite du même sujet. La numérisation autorise une organisation logique complète qui échappe aux lois de la structure physique. Je rejoins l’idée d’un liquide : qu’on peut mélanger, adapter parfaitement à son récipient, maîtriser.
Encore merci à ces deux blogueuses ; trop souvent les blogs se nourissent d’eux-mêmes dans la liquidité d’un univers strictement numérique. Ces comptes-rendus, c’est un peu de vraie vie, et ça fait du bien.
Mise à jour :
Les actes de la journée (en vidéo) : ici.