L’IFLA commence avec les pré-conférences satellites qui se déroulent dans différentes villes à proximité de celle du Congrès.
Pour ma part, j’ai participé hier et aujourd’hui à celle qui était organisée par la section Information technology, et s’intitulait : Emerging trends in technology: libraries between Web 2.0, semantic web and search technology.
Avant toute chose, je dois dire que c’était une conférence remarquable par son ambiance, le cadre très agréable de l’université de Florence, la qualité de l’accueil, et la sympathie des participants.
Cette bonne ambiance transparaît largement dans le fil Twitter de la conférence ; c’était la première fois que je twittais une conférence en direct, et ç’a été une expérience excellente, sur le plan intellectuel et humain.
Le fait de twitter oblige à se concentrer sur le déroulé des interventions pour en repérer les points saillants ; en suivant simultanément le fil de la conférence, on avait une bonne vision de la réception de l’intervention par la salle et on voyait émerger les questions. C’est aussi excellent pour échanger des liens et des références pertinentes, en temps réel. Et pour se faire de nouveaux amis ;-)
De façon un peu périphérique, j’ai noté ce billet sur l’usage de Twitter dans les conférences… Je pense que vous n’avez donc pas fini de me voir envoyer des twits (à condition que la qualité de l’accès wifi soit aussi bonne à Milan).
En ce qui concerne le détail du contenu de ces deux jours, je vous renvoie à notre remarquable prise de notes collective sur Twitter, et je me contenterai ici d’une synthèse en soulignant les points qui me semblent particulièrement intéressants. Les présentations ainsi que le texte complet des articles seront également disponibles prochainement sur le site de la conférence.
La conférence d’ouverture (Keynote) de Stephen Abrams (Sirsidynix) a donné le ton en prônant la prise en compte des utilisateurs comme priorité numéro un pour les bibliothèques.
Définitivement, l’espace physique et l’espace numérique ne sont plus dissociables, et les relations distantes, à travers des terminaux comme l’iPhone, sont devenues primordiales. Le défi du Web 2.0, c’est le changement des rapports humains : davantage de collaboration, de multimédia, de divertissement, de participation, de gratuité, de personnalisation, de granularité. La bibliothèque de demain, c’est un monde où chacun veut être reconnu comme unique, pouvoir prendre sa clé allen pour construire son propre outil, où on ne cherche pas l’information mais où on la trouve, ou les relations sont plus importantes que les transactions.
Le reste de la conférence a montré que les bibliothèques sont totalement entrées dans l’ère du 2.0, que le Web 2.0 ne se différencie plus du Web tout court, c’est le Web dans lequel nous sommes, et nous commençons déjà à regarder au-delà, vers le Web 3.0.
Cela se manifeste en particulier par un questionnement qui a dépassé les préoccupations que nous avions il y a quelques années, soit purement techniques (comment faire un blog, qu’est-ce que RSS…) soit purement éthiques (est-ce que Wikipedia c’est mal…) Les bibliothécaires ont pris acte de ce nouveau Web, et maintenant leur question porte plutôt sur la dimension organisationnelle de leur présence dans le Web 2.0.
Sont ainsi revenues à plusieurs reprises les questions de compétences, de formation, de profil de recrutement des bibliothécaires 2.0.
La question de l’innovation est aussi essentielle et elle oppose un modèle « disruptif », qui a été présenté par Ken Chad, dans lequel on met en place une équipe dédiée qui lance des réalisations très rapidement et accepte de les voir pour une part échouer, et un modèle beaucoup plus réfléchi (mais qui n’en est pas moins nouveau à mon avis) où les bibliothécaires s’interrogent sur le réel besoin des utilisateurs et envisagent de mettre en place des moyens permettant d’évaluer le retour sur investissement des outils Web 2.0. Ce deuxième modèle a été bien illustré par Laura Rinnovati. En termes d’évaluation, le travail de Pnina Shachaf sur les services de référence en ligne était très parlant.
Au-delà de ces aspects Web 2.0, il a été beaucoup question de l’ouverture des données et de leur mise à disposition dans le Web sémantique. Nicola Benvenuti a défini le Web 3.0 en s’appuyant notamment sur le Linked data (qui en est une des composantes, mais pas la seule.)
Finalement, la conférence était assez peu technique et même sur ces questions, ce qui a été le plus abordé ce sont les aspects stratégiques de la chose : le positionnement juridique sur la diffusion des données, l’utilisation des standards, la mise en place de méthodologies de développement adaptées. Il n’a quasiment pas été question des problèmes de modélisation des données, sauf pour dire (je l’emprunte à Martin Malmsten de Libris) qu’elle peut durer éternellement, et qu’il ne faut surtout pas attendre d’avoir fini pour commencer à mettre en place des réalisations. Anne Christensen, en présentant son très intéressant projet de catalogue nouvelle génération Beluga, a posé la question du « make or buy » : faut-il acheter une solution toute faite ou développer en interne avec des briques open source ? A Hambourg ils ont opté pour le second choix, ce qui leur permet d’employer des méthodes itératives et centrées utilisateur.
Le Web 2.0 et le Web sémantique se rencontrent assez naturellement, à travers des projets de type mash-ups (j’en ai évoqué quelques-uns dans ma présentation) ou des projets comme EnTag de Ukoln qui visent à rapprocher les principes des folksonomies et ceux des ontologies. Sur le même sujet, la présentation d’Alefeh Sharif était très pertinente également.
Evidemment cela m’a rappelé des propos que Got tenait il y a déjà trois ans…
Le grand absent de cette conférence, c’était le troisième thème appelé par le programme : « search technologies ». Nous l’avons un peu évoqué pendant la table ronde, mais surtout pour constater que dans notre communauté, les compétences permettant de maîtriser les technologies de recherche d’information non structurée, voire non textuelle, font cruellement défaut. Ce sera un bon sujet pour une prochaine conférence…
« Le web s’attachera-t-il longtemps à ce passé poussiéreux ? Je ne crois pas. Le web 3.0 n’existera jamais. Le web n’était qu’une étape transitoire, une façon de porter vers le numérique ce dont nous disposions déjà, un nouveau monde, certes, mais attaché à l’ancien monde […] Notre fusée peut maintenant lâcher son premier étage qui jadis la connectait au sol. Elle s’élève vers quelque chose de neuf, un cyberspace dans l’esprit de Gibson, un univers de flux qui se croisent et s’entrecroisent, s’éclairent mutuellement, se dissolvent, se reconstruisent ailleurs… »
Vers un web sans site web. Thierry Crouzet. In le Peuple des Connecteurs. 17/08/09
http://blog.tcrouzet.com/2009/08/17/vers-un-web-sans-site-web/